LES VOYAGES DUNE HIRONDELLE
(A. DUBOIS -1886)
Sommaire 1ère Partie - 2ème Partie



IX. - DE FLORENCE A NAPLES.
Les monuments de Florence. - Arrezo. - Piombino. - Orvieto. - Rome. - Antiques souvenirs.- Monuments remarquables. - La Campanie. - Voir Naples et mourir ! ... - La Grotte-du-Chien. - Le tombeau de Virgile. - Le Vésuve.


Abandonnant le rivage de la Méditerranée, nous remontons le cours de l'Arno et nous nous dirigeons vers Florence, qui fut, après Turin et avant Rome, la capitale du royaume actuel d'Italie.

Florence est, par excellence, la ville des arts dont elle fut le berceau. Le sublime Michel-Ange disait qu'il était impossible de concevoir rien de plus beau que l'architecture de la cathédrale ; La tour, qui lui sert de clocher et qui en est isolée, est si riche d'ornements que Charles-Quint disait qu'elle devrait être mise dans un écrin.

Michel-Ange prétendait encore que les trois portes de bronze de l'église du Baptistère étaient dignes de fermer l'entrée du Paradis. Le tombeau des Médicis, commencé depuis trois siècles, est un des monuments les plus remarquables de cette contrée où les chefs-d'œuvre sont si nombreux qu'on ne saurait les énumérer.

Le Palais Pitti, construit en 1460, porte un caractère de solidité et de grandeur qui lui permet encore d'affronter les siècles. Les quais de l'Arno sont d'une splendeur qui ne souffre aucune comparaison avec les plus beaux de l'Europe.

Nous descendons vers le sud, et nous trouvons, à l'est du canal qui unit l'Arno à la Chiana, la ville antique d'Arezzo, placée dans une situation magnifique : C'est la patrie de Mécène, de saint Laurent, de Pétrarque, de Guy, l'inventeur des notes de la musique, et de beaucoup d'autres grands hommes. C'est aussi à Arezzo que naquit Concini, ce célèbre aventurier qui devint maréchal d'Ancre et ministre du roi Louis XIII.

Nous revenons vers la mer et nous faisons une halte à Piombino, petit port tu sud de Livourne, dont la population n'atteint pas 3, 000 habitants. De là, nous découvrons distinctement l'île d'Elbe, qui n'est pas à plus de douze kilomètres du continent. Cette petite terre est devenue à jamais célèbre dans l'histoire depuis le séjour qu'y fit Napoléon 1er, à qui elle fut donnée en souveraineté par le traité de 1814. Ce fut de lit qu'il partit le 25 février 1815, pour revenir en France et recommencer la lutte qui se termina par le désastre de Waterloo !

De Piombino, nous retournons vers le lac de Pérouse ou de Trasimène, dont nous contournons les agréables rivages ; et, prenant bientôt la vallée du Tibre, nous suivons ce fleuve célèbre, qui roule des eaux jaunâtres et rapides et qui est sujet à de fréquents débordements.

Voici, à notre droite, Orvieto, sur un rocher escarpé, au bord de 1a Paglia. On y voit un puits dans lequel les mulets descendent par une sorte d'escalier- éclairé par- cent petites fenêtres ; ils remontent par un autre chemin, disposé de la même manière.

Devant nous c'est Rome, l'ancienne capitale de l'empire romain, la capitale du monde catholique et de la moderne Italie.

Rome est située au milieu d'une vaste plaine, autrefois fertile, aujourd'hui presque improductive, qui s'étend depuis la mer jusqu'aux Apennins.

La Rome chrétienne recouvre en quelque sorte la Rome païenne, dont quelques monuments, restés debout malgré le ravage des temps, attestent ci et là son antique existence.

Le sol actuel est tellement élevé au-dessus de l'ancien que la roche Tarpéïcnne n'a plus que neuf ou dix mètres de hauteur, et que le pavé d'une petite église construite au pied du mont Palatin est juste au niveau du faîte d'un temple antique élevé en souvenir de l'allaitement par une louve de Pomulus et de Rémus.

Il a fallu descendre à une profondeur de sept mètres pour dégager la base de la colonne Trajane et déterrer la moitié du piédestal de l'arc de triomphe de Constantin pour juger dans son entier ce monument.

Voici le Panthéon où, à la place des dieux de l'antiquité, on voit maintenant les tombeaux de Raphaël et du Carrache et le buste de Nicolas Poussin ; le Colisée, dont la circonférence extérieure est de trois cent trente-trois mètres et qui pouvait contenir 50 000 spectateurs.

Lorsque Titus ouvrit pour la première fois cet amphithéâtre aux Romains, on y vit paraître un nombre incroyable d'animaux de toute espèce : Des renards, des lions, des tigres, des éléphants, des cerfs, des gazelles, restèrent étendus sur l'arène, pôle-môle avec les gladiateurs qui les avaient combattus. En un seul jour, il en périt plus de 5,000 ! ...

Les Romains étaient avides de ces jeux cruels où la vie des hommes n'était pas plus ménagée que celle des bêtes. Quelquefois, la vaste arène était transformée en une petite mer de près de sept mètres de profondeur qui recevait l'eau par quatre-vingts ouvertures : Une flottille y était installée et l'on donnait au peuple l'émouvant spectacle d'un combat naval.

Çà et là, au cours de néon vol, j'entrevois le Vatican, demeure, du pape, avec la fameuse chapelle Sixtine, si richement décorée. Le Quirinal, qui était autrefois la résidence d'été des papes et qui est devenu le palais des rois d'Italie ; le Capitole, qui n'abrite plus, comme autrefois, Jupiter Tonnant, mais qui sert simplement de résidence aulx magistrats municipaux ; l'ancien Forum, devenu le marché aux bestiaux ; la colonne Antoine, surmontée d'une statue de saint Paul ; le tombeau d'Adrien, devenu le Château Saint-Ange.

Voici la basilique clé Saint-Pierre avec sa magnifique Coupole, avec son portique décoré clé quatre-vingt-douze statues hautes de trois à quatre mètres ; la coupole n'a pas moins clé cent cinquante mètres d'élévation et de vingt-neuf mètres de hauteur ; et partout des palais, des églises, des colonnes, des fontaines, des statues, un luxe inouï de richesses artistiques, d'antiquités intéressantes que les siècles ont réuni dans cette ville, la plus remarquable du monde.

Nous volons maintenant au-dessus de la campagne de Rome, cette contrée jadis si peuplée et si florissante, aujourd'hui presque déserte ; laissant derrière nous les Abruzzes, nous planons sur les Marais Pontins, dont les exhalaisons méphitiques engendrent des fièvres mortelles.

Voici le port et le golfe de Gaëte, la terre de Labour, autrefois Campanie : Nous sommes dans la chaude région où l'orange douce prospère en pleine terre. Jusqu'à l'extrémité de l'Italie nous trouverons le figuier, l'amandier, le cotonnier, la canne à sucre, la vigne qui donne les vins brûlants de la Calabre.

Le cédratier, le bigaradier, le palmier, l'aloès et le figuier d'Inde y croissent, surtout clans les plaines et sur le bord de la mer. Mais il faut nous arrêter à Naples, dont la vaste baie apparaît devant nous

Q La largeur et la beauté de ses quais ; le château de l'OLuf, isolé sur le haut d'un rocher escarpé ; celui de Saint-Elme, qui s'avance dans la mer ; l'île de Caprie, qui sort clé l'onde comme un rocher stérile ; la couleur noirâtre du Vésuve, qui menace la ville de ses feux destructeurs, et dont les flancs, couverts de la plus belle verdure, sont tachetés de points blancs, qui sont autant de maisons de campagne ; les montagnes bleuâtres, dont l'extrémité forme le promontoire de Massa ; à leurs pieds Castelimares, bâtie sur les ruines de Siabie, près de laquelle Pline trouva la mort en contemplant l'éruption qui détruisit Pompéi ; au bord de la mer, Sorrente, patrie du Tasse, forment un point de vue dont la magnificence surpasse les plus belles descriptions. En voyant se dérouler ce riche panorama, on peut dire avec le Napolitain : Vedi Napoli, e poi mori ! Voir Naples et puis mourir ! (1) "

Décrire les monuments de Naples serait répéter ce que nous avons dit des autres villes de l'Italie, où comme à Rome, comme à Florence, les chefs-d'œuvre abondent.

Toute la plaine de la Campanie est couverte de déjections volcaniques : Naples est bâtie sur des courants de laves. Le solfatare, reste d'un volcan qui paraît avoir des communications avec le Vésuve, ne produit plus que des vapeurs sulfureuses. Le sol caverneux retentit sous les pas du voyageur ; le soufre et l'alun qu'on en retire forment une précieuse ressource pour l'industrie.

Je n'ai pu, comme de nombreux curieux, visiter la Grotte du Chien, qui a, du reste, beaucoup perdu de sa réputation, depuis que l'on connaît, dans plusieurs contrées volcaniques, d'autres cavernes d'où s'exhale l'acide carbonique ; mais voici ce qu'on m'en a raconté : Elle doit son nom à l'expérience que l'on ne manque jamais de faire sur un malheureux chien, pour donner satisfaction à la curiosité des voyageurs.

Il s'élève de son sol une vapeur chaude, tenace, subtile, qu'il est aisé de discerner à la simple vue, et qui, en s'élevant, couvre toute la surface du fond de la cavité ; mais cette vapeur, plus lourde que l'air, retombe après s'être un peu élevée.

Si l'on y introduit un flambeau allumé, on le voit s'éteindre presque aussitôt : cette vapeur mortelle est de l'acide carbonique. On peut se tenir debout dans cette grotte sans éprouver aucune incommodité, pourvu que la tête dépasse le niveau de la, couche d'air irrespirable, mais on ne tarderait pas à succomber si la tête y était plongée.

On rapporte que Charles VIII, roi de France, en fit l'expérience sur un âne ; et que Pedro de Tolède, plus cruel, y fit placer, la tête en bas, deux esclaves, qui y perdirent la vie.

Aujourd'hui, le gardien de la grotte renouvelle sans cesse l'expérience sur un chien : Il couche dans la grotte le pauvre animal, qui au bout d'une trentaine de secondes paraît comme mort ; après une minute, ses membres sont attaqués d'une sorte de mouvement convulsif, et il ne conserve bientôt d'autre signe de vie qu'un battement insensible du cœur et des artères, qui serait bientôt suivi de mort si on le laissait deux ou trois minutes en cet endroit. On s'empresse de le retirer de la grotte, et il ne tarde pas à revenir à la vie, après qu'on l'a plongé dans l'eau et  étendu sur l'herbe.

Si je n'ai pu m'introduire dans la Grotte du Chien, rien ne m'empêche de saluer, sur le revers du Pausilippe, un simple monument composé d'une large base carrée, en pierre et en briques, sur laquelle s'élève une espèce de tour circulaire : c'est le tombeau de Virgile.

J'ai visité la patrie du prince des poètes, et je veux me reposer quelques instants sur le laurier qui abrite les cendres du cygne de 11lantoue.

A huit kilomètres environ au sud-est de Naples se trouve le Vésuve, le plus considérable des volcans de l'Europe. Il occupe une montagne complètement isolée et séparée des Apennins.

Le sommet du Vésuve a 1,234 mètres de hauteur ; Il forme une plate-forme surmontée de deux pointes, dont l'une fait face à la mer, projette continuellement de la fumée, et change de configuration à chaque éruption nouvelle.

Les flancs de la montagne sont complètement dénudés ; ce n'est qu'au bas que l'on voit de beaux vergers, de magnifiques vignobles, dont les raisins fournissent le vin, délicieux au dire des hommes, si connu sous le nom de lacryma-christi. On parvient au cône de cendres, très escarpé, en passant par le charmant village de Résina.

Qui croirait que les hommes sont assez téméraires pour s'introduire dans le cratère du volcan : Ce sont des Français qui, les premiers, en 1811, tentèrent cette périlleuse expédition, souvent renouvelée depuis cette époque.

Les anciens ne considéraient le Vésuve que comme un volcan éteint ; peut-être même le rattachaient-ils simplement aux fameux Champs -Phlégréens, où la mythologie romaine plaçait les enfers ; et ils n'étaient en cela pas plus superstitieux que les habitants de l'Islande qui, de nos jours, considèrent l'ouverture de leur volcan comme la bouche de l'empire des ténèbres, et les mugissements qu'il fait entendre comme les cris de fureur et de désespoir des damnés.

C'est Sénèque qui, le premier, parle des éruptions du Vésuve. Il nous apprend que sous le consulat de Regulus et de Virginius, le jour des Nones de février, date qui correspond à l'an 03° de l'ère chrétienne, il y eut un violent tremblement de terre qui se fit sentir dans les environs du Vésuve. Pompéi, ville célèbre, fut en partie engloutie dans le sein de la terre ; Herculanum fut en partie détruite ; toute la Campanie en souffrit.

Seize ans après, en l'an 79, à huit heures du matin, le 24 août, un nouvel incendie du Vésuve, qui avait été précédé de tremblement de terre, fut accompagné de cette éruption violente, devenue si célèbre par la mort de Plaine l'Ancien ou le Naturaliste.

Cet illustre martyr de la science était alors au Cap de Misène, en qualité de commandant de la flotte des Romains : Spectateur d'un phénomène inouï et terrible, il se rendit à Strabies et s'approcha du rivage pour observer de plus prés le prodige, et aussi pour porter secours aux malheureuses victimes de ces convulsions de la nature. Etouffé par la fumée qui s'exhalait du gouffre, il fut enseveli sous une pluie de feu. Les vapeurs, les cendres, les flammes, les laves, détruisaient pôle mêle les hommes, les troupeaux, les poissons, les oiseaux.

Herculanum, Ponipéï et Strabies disparurent complètement. Beaucoup d'autres éruptions eurent lieu dans la suite ; celle de 1794 avait détruit le bourg de Torre-del-Greco, qui, reconstruit et devenu une ville de 1,500 âmes, a été de nouveau anéanti par la secousse volcanique, en 1862. On comptait, jusqu'alors, 86 éruptions du célèbre volcan.

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