Pourquoi j'écris mes mémoires ? Vous ne sauriez trouver extraordinaire qu'une hirondelle par le langage des humains : Que n'a-t-on pas dit sur l'esprit des bêtes ! ...

De, tout temps, les animaux ont su donner aux hommes des leçons de morale et de philosophie.

Les animaux ont le mérite de pouvoir s'exprimer librement, avec sincérité et simplicité. Les esprits les plus exigeants acceptent leurs naïvetés et rendent hommage à leur bonne foi.

Si, avec Esope et Phèdre, ils ont mécontenté certains grands personnages, ils ont acquis, avec La Fontaine, le droit de tout dire: Leurs enseignements persuadent les plus incrédules et assouplissent les plus orgueilleux.

Quel homme aurait pu dire avec autant d'éloquence que les animaux, les abus que les puissants font de leur force ? ... Quel poète aurait pu peindre avec autant de grâce que le pigeon les dangers de la séparation et les maux de l'absence ? ... Quel écrivain aurait su flétrir l'égoïsme avec autant d'énergie que l'alouette ? ...

Qui, parmi les hommes, a oublié la prudence du vieux rat, le sot orgueil du corbeau, les ruses du renard, la poltronnerie du lièvre, l'ingratitude du serpent, la duplicité du chat...

De nos jours, le moineau lui-même a voulu faire parler de lui Pierrot a écrit des mémoires ! ... Mais Pierrot n'est qu'un citadin, ennemi des grands bois et des vastes campagnes, qui s'attache à l'homme malgré lui, et qui n'a pu raconter autre chose que les commérages de la ville et les cancans de ses congénères des jardins publics. Je sais bien que, par ses finesses, ses ruses, sa persévérante opiniâtreté, notre ennemi, le moineau, a pu pénétrer bien des mystères et divulguer bien des secrets. Le jardin du Luxembourg, les Tuileries, le bois de Boulogne, le jardin d'Acclimatation ont fait tour à tour l'objet de ses explorations. Cependant, Pierrot n'a pas tout dit, et moi, pauvre vieille hirondelle, je veux simplement vous raconter l'histoire de ma famille et vous faire assister à mes pérégrinations à travers le monde.